• Mangart Area, Slovénie, 2013, © Olaf Unverzart

    Des paysages alpins et des hommes

    Olaf Unverzart

    Depuis la nuit des temps, l'homme entretient une fascination quasi surnaturelle pour elles - les montagnes. Même pour l'homme civilisé, de longue date maintenant, elles conservent quelque chose d'archaïque. Majestueuses, elles nous défient et peuvent parfois être mortelles. Des générations d'alpinistes se sont aventurées sur leurs pentes abruptes, faisant appel à leurs forces, se confrontant à la solitude, au risque de connaître la douloureuse déception de constater que la montagne est plus forte qu'eux. Le photographe Olaf Unverzart lui aussi est tombé sous le charme irrésistible des montagnes. Elles sont exigeantes autant en termes physiques que psychiques – mais elles lui apportent calme et liberté et lui offrent des vues magnifiques.

    Olaf Unverzart

    Recueil «ALP»

    Fils d'une famille de paysans originaire de la forêt du Haut-Palatinat, ce n'est que relativement tard qu'il eut son premier contact avec l'univers montagneux des Alpes. Lorsqu'il était enfant, ses parents l'emmenaient en vacances dans le Tyrol du Sud. Dans sa jeunesse, il commença à se mesurer physiquement à la montagne sur son vélo. Depuis quelques années, il a choisi la photo pour faire découvrir les Alpes au grand public. C'est ainsi qu'est né son impressionnant recueil de photos intitulé «ALP».

    Pendant plus de 12 ans, il a sillonné les paysages alpins au cours d'innombrables excursions, pour proposer une composition picturale de ces univers montagneux sublimes et bien souvent profanes. Lui-même parle d'un travail documentaire subjectif, empreint de son point de vue personnel et marqué par son regard élégant. Il ne présente pas les classiques décors montagneux et panoramas alpins mais partage avec nous son regard à la fois sobre et respectueux sur un paysage culturel unique en son genre.

    Pour Olaf Unverzart, le paysage a été façonné par l'homme. Même s'il est généralement absent de ses photos, sur la plupart d'entre elles, on reconnaît tout de même la trace de son passage. Tantôt épurées lorsqu'il représente des tunnels taillés dans la roche, tantôt subtiles lorsqu'il nous fait entrevoir un panneau indicateur que l'on reconnaît à peine.

    © Olaf Unverzart

    Un paysage montagneux menacé

    Unverzart le concède, la manière dont l'homme achète la nature, la fait entrer dans des cases et la soumet à sa volonté l'attriste et le laisse sans voix. Il déplore le manque de respect à son égard et l'appât du gain. Ainsi, sur ses photos, le spectateur a souvent l'occasion de réaliser comment les constructions humaines limitent la vue, mais aussi l'essor de la nature. Les versants bétonnés, les barrières anti-avalanches, les tunnels, les barrages, les chemins, les routes. Et la nature qui prend toujours le dessus, malgré tout. Imposantes strates rocheuses, prairies verdoyantes, ciel à perte de vue – des dégradés pittoresques de gris, de rouge, de bleu et de vert forment de superbes tableaux. Le photographe saisit mieux que quiconque la confrontation entre génie civil et œuvre divine. Dans certaines photos, les montagnes s'entremêlent avec les constructions humaines. À l'inverse, d'autres illustrent le caractère éphémère de nos édifications. Des tunnels écroulés, des vestiges de sentiers ou encore des murs en ruines, pour nous faire comprendre qu'en fin de compte, la nature ne se laisse pas maîtriser et que les paysages reprennent inévitablement leurs droits.

    Certaines montagnes semblent complètement éreintées, lessivées par les forces de la nature que sont les glaciers, l'eau, l'érosion, les tempêtes, et parfois par les interventions humaines. De jolies prairies marquées par de profonds sillons et stigmates, qui nous révèlent ces forces insaisissables exercées sur la roche depuis des siècles.

    Ghiacciaio della Brenva, Italie, 2012  © Olaf Unverzart

    La tradition de la photographie alpine

    Pour Olaf Unverzart, l'ascension de la montagne et les efforts physiques qu'elle implique forment partie intégrante de son travail d'artiste, ils lui permettent de s'imprégner de lui-même et de son sujet. Avec son esprit aventureux, Unverzart s'inscrit dans la tradition de la photographie alpine. Née au milieu du 19ème siècle loin du tourisme de masse, d'abord à des fins de recherche et de stratégie militaire, celle-ci est longtemps restée un privilège réservé aux personnes assez riches pour s'offrir le matériel nécessaire.

    Comme les pionniers avant lui, Olaf Unverzart utilise un appareil à plaques et des pellicules analogiques pour réaliser ses prises de vue. Une décision lourde au sens propre du terme, puisque l'équipement pèse 20 kg au total. Lorsqu'il trouve un sujet qui l'intéresse, il attend que la luminosité soit douce et sans couleur pour le capturer. Composition, incidence de la lumière, atmosphère – Unverzart prend les décisions les plus importantes avant de relâcher le déclencheur, si bien qu'en général, il développe seulement deux photos par sujet. Des sujets, il en choisit une vingtaine par année. Pour ses photos, il utilise un Sinar F2, muni généralement d'un objectif classique, avec un négatif 4 x 5.

    Mittelbergferner, Autriche, 2011 © Olaf Unverzart

    Un regard impressionnant sur le mystère alpin

    Son recueil de photos «ALP» se termine sur une série de sommets – l'Eiger, le Piz Badile, la Cima Grande, le Petit Dru, le Cervin ou encore et les Grandes Jorasses, dont la photo compte parmi les favorites du photographe qui apprécie son ambiance lumineuse. Il a donc entrepris de rendre hommage à l'époque dorée de l'alpinisme en proposant une série de clichés de la face nord de ces sommets, réputés pour être les six derniers grands exploits de l'alpinisme. Avec son recueil, Olaf Unverzart comble un grand vide. En effet, d'après lui, au cours des vingt dernières années, aucun photographe n'a posé son regard d'artiste sur les Alpes.

    L'alpiniste Hermann Buhl, dont Unverzart est un grand admirateur, a un jour dit de l'alpinisme qu'il s'agissait d'une discipline capricieuse. D'après lui, on part mais on n'atteint jamais son objectif. Et s'est sans doute là que réside le charme particulier de la montagne. On y recherche quelque chose qu'on ne trouvera jamais. Avec son recueil, Olaf Unverzart est parvenu à proposer au spectateur une vue sur le mystère des paysages alpins, pas toujours dégagée, mais toujours impressionnante.

    Persgletscher, Suisse, 2010 © Olaf Unverzart

    © Olaf Unverzart

    Link: www.unverzart.de

    Autres articles